15/01/18: restructuration "en douceur" de l'ESR via le PIA3 et le GPI, bonne ou mauvaise chose?
Pendant la trêve des confiseurs plusieurs dépêches AEF ont fait état de nouveau appel à projets à venir à travers le PIA3 et le nouveau GPI (grand plan d'investissement). Le domaine de l'ESRI traité dans ce blog est fortement impacté et, pour résumer, la restructuration en "douceur" commencée dans les gouvernements précédents continue sa marche en avant.
Une nouveauté dans la répartition des rôles avec la remise au 1er plan du ministère. Sans doute une bonne chose qu'il n'y ait plus qu'un pilote stratégique et non plus 2 ministres de l'ESR! Cela a été dénoncé dans un passé récent par plusieurs parlementaires. Donc le MESR est à la manette stratégique (définition des objectifs, comité de pilotage), le CGI est devenu secrétariat coordinateur et l'ANR opérateur éxécutant. Le PM vient de rappeler le rôle central des ministères lors de la mise en place du GPI.
Le problème est que cette restructuration manque de vue d'ensemble (ou alors cela ne nous est pas dit pour ne pas fâcher d'où le "en douceur") et fait la part belle aux universités de recherche d'excellence en laissant de côté les autres universités de proximité ou pas. Faisons un état des lieux rapide de ces AAP.
- concernant l'innovation une première action est prévue vers les SATT (200M€):
Résumé AEF: Pour permettre aux Satt de "pérenniser , après échéance du PIA, leur mission de valorisation des inventions issues des
laboratoires de recherche (maturation, transfert, prestations…)", 200 M€ du PIA 3 seront consacrés à accélérer leur développement, indique un avenant à la convention entre l’État et l’ANR relative au PIA (action valorisation - fonds national de valorisation) paru au JO le 31 décembre 2017 (lire sur AEF). Présentée sous forme d’un appel à projets à destination exclusive des Satt, l’action "devra permettre de financer celles d’entre elles en capacité de présenter un plan d’actions de nature à accélérer leur développement et assurer leur pérennité, éventuellement en lien avec des partenaires de l’écosystème, dans le respect des missions et des exigences qui leur ont été fixées dans le cadre de l’appel à projets de 2010"...
Dans ce domaine plusieurs rapports souligne l'effort de simplification et de clarification du qui fait quoi à avoir. Voir par exemple le rapport Suzanne Berger (https://drive.google.com/open?id=1bQUoAlysLjZxiJCB48Y-egCVLGY3OZO7 ) sorti sous le précédent gouvernement à la demande notamment du PR actuel alors ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique avec parmi les objectifs de simplifier et rationnaliser l'ensemble du système d'innovation. Il y est écrit à ce sujet de l'empilement des structures:
"Les SATT, les IRT, les ITE, les pôles de compétitivité, France Brevets, les instituts Carnot, les Chaires industrielles, le CEA Tech et d’autres agences qui figurent sur la cartographie complexe (Annexe 2) du système d’innovation français sont des institutions fondées pour faire le pont entre les organismes de recherche publique et les entreprises — un pont que les institutions universitaires sont apparemment incapables de construire. À chaque réforme, de nouvelles institutions se sont empilées sur les anciennes."
Donc avant de remettre des M€ dans une des composantes il faudrait sans doute mieux réfléchir à cet objectif et régler l'empilement des structures! .
- toujours concernant l'innovation une action pour le fonds national de post-maturation "Frontier Venture" (500 M€)
Résumé AEF: "L ’objectif du fonds d’investissement 'Frontier Venture', dotéde 500 M€, est de permettre à de jeunes entreprises technologiques innovantes, issues notamment de la recherche publique, mais aussi de la recherche privée, d’avoir accès à des fonds de post-maturation pour lancer leur activité", précise la convention entre l’État et Bpifrance publiée le 28 décembre 2017. "Ce fonds doit ainsi trouver sa place dans le paysage des fonds de capital-risque, notamment par rapport au FNA, et doit s’articuler avec les outils mis en place en amont par le FNV (fonds national de valorisation), et en particulier les Satt", est-il précisé...
On peut penser que cela va dans le bon sens si on en croît certains rapports qui se plaignent du manque de capital risque en France. Mais rien n'est dit sur la suite et comment le relai se fera avec les banques "classiques". Sinon on notera ce passage dans la convention créant ce fond qui rappelle l'empilement des structures "Au sein des Satt, des IRT, ITE, IHU et autres structures de valorisation et de transfert comme les Instituts Carnot ou les pôles de compétitivité, de nombreux projets sont aujourd’hui en maturation, notamment grâce aux investissements consentis dans la recherche et la maturation dans les PIA 1 et 2 qui ont contribué à dynamiser la culture entrepreneuriale de l’innovation en France". Le "autres structures de valorisation" est assez savoureux: impossible de tout lister!
- création de sociétés universitaires et de recherche
Résumé AEF: "Valorisation du patrimoine immobilier de l’ESR, développement de la formation continue, prestations permettant de valoriser le
patrimoine immatériel tout en renforçant les liens avec le monde socio-économique : telles sont les grandes finalités des "sociétés universitaires et de recherche" que le PIA 3 entend aider à constituer . La convention entre l’État et la Caisse des dépôts, chargée de la gestion de cette action, est publiée au Journal officiel daté du 31 décembre 2017. 400 M€ seront investis dans ces sociétés adossées à des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. L ’un des objectifs est aussi de permettre à ces établissements ou à leurs regroupements de "diversifier leurs ressources". ...
Une manière de contourner les règles de la fonction publique jugées trop contraignates en externalisant? Mais n'y-a-t-il pas concurrence déloyal avec des entreprises privées (vu les subventions) pouvant proposer les mêmes missions? Concurrence avec les collectivités territoriales avec leurs propres hôtel à projet? Qui va monter de tels dossiers qd ds les universités on manque de personnel sur les fonctions de base d'enseignement, en sous traitant? A-t-on vraiment besoin de cette structure pour accélèrer la mission formation permanente? Bonjour la simplification!
Lire cet article dans le blog de P Dubois: https://histoiresduniversites.wordpress.com/2018/01/08/toujours-plus-de-technocratie/
- nouvelle action Equipex suite des PIA1 et 2:
Résumé AEF: "Parce que "la recherche française souffre chroniquement d'un sous-investissement dans les équipements de recherche", le PIA 3
poursuivra l'effort engagé lors des deux précédents programmes d'investissements d’avenir en consacrant une enveloppe de 350 M€ à des "équipements structurants pour la recherche"..."
Du classique mais pourquoi ne pas confier cela aux organismes de recherche comme cela était fait avant le loto du PIA? Cela correspond aux investissements dits lourds et ces organismes sont à même de juger où il faut les installer dans un souci d'efficacité. Cela éviterait à un grand nombre de chercheurs à constituer des dossiers conséquents pour avoir à la sortie des clopinettes. Un peu de simplification et redonnons aux organismes des moyens d'actions. Oui aux appels à projets mais quand cela est justifié.
- aide ciblée aux Grandes Universités de recherche (GUR)
Réésumé AEF: " "Soutenir l'effort de transformation et d'intégration des grandes universités de recherche pour amplifier leur stratégie d’excellence au meilleur niveau international" : tel est l’objectif de l’action du PIA 3 intitulée "grandes universités de recherche"... Dotée de
700 M€, cette action soutiendra des projets "de grande ampleur", en particulier pour encourager les idex et les isite à "bâtir des stratégies plus intégrées". Elle soutiendra aussi des projets NCU et EUR "intégrés aux idex et isite sélectionnées dans les PIA 1 et 2"....
On est là vraiment dans mise en place des univ à 2 voir 3 vitesses: oui il y a des différences ds la reconnaissance des diplômes LMD mais faut-il cette séparation ou un travail en réseau avec des têtes de ponts? On parle donc maintenant de GUR et plus simplement d'universités de recherche sans doute pour concurencer les Grandes Ecoles (GE)!!
Savoureux pour Saclay le "bâtir des stratégies plus intégrées" quand on voit la séparation du plateau en 2 universités (des GUR?) et qu'à l'intérieur de l'UPSaclay les GE gardent à vie (c'est ce qui est demandé, voir notamment déclaration AgroParisTech) leurs PMJ!! Avec de l'agilité chère à nos dirigeants on va y arriverà rentrer le pied dans la chaussure!
- mise en place du nouveau Grand Plan d'Investissement (GPI):
Résumé AEF: " Le Grand Plan d’investissement "mobilisera des dépenses d’investissement au service de ces objectifs, visant à inscrire dans la gestion publique une nouvelle priorité aux actions de transformation à longue portée qui seront pilotées et évaluées selon une logique d’impact et de résultats. Le pilotage du GPI est mené par des ministères ; une coordination est assurée par le secrétariat général pour l’investissement, placé auprès du Premier ministre", précise une circulaire du Premier ministre publiée le 4 janvier 2018 sur la mise en œuvre du plan d’investissement 2018-2022. Le financement de ce plan est assuré par la LFI et la LFSS 2018, sachant que ces crédits "ne seront pas soumis à la régulation budgétaire et bénéficieront d’une exonération de mise en réserve". Après évaluation annuelle des actions, des réallocations pourront intervenir au sein du plan en fonction des résultats obtenus."
Ce complément au PIA3 comporte un volet ESR "structurant" qui donne bien la méthode pour réformer en douceur mais qui risque de crér de grosses inégalités entre sites ( ceux qui en patiront le plus ce sont certains étudiants!): voir initiative 16 du GPI "accélérer la transformation de l'université et de la recherche". A suivre.
A découvrir aussi
- Etat du projet Paris Saclay novembre 2017 : note historique
- mars 2014: note au MESR sur la situation Paris Saclay